PEGI, ESRB, etc. : panorama des systèmes de classification des jeux vidéo par âge

Tout pays civilisé qui souhaite protéger ses générations futures des ravages psychologiques consécutifs à la vision d’une fatality de Mortal Kombat se doit de disposer de son système de classification (et de signalisation) des jeux vidéo. Comme il n’existe pas de système international, on se retrouve donc avec tout un tas de systèmes, qui se ressemblent plus ou moins. ACB en Australie, ESRB aux Etats-Unis, PEGI en Europe (mais pas en Allemagne ni au Royaume-Uni), BBFC au Royaume-Uni, USK en Allemagne, CERO au Japon, OFLC en Nouvelle-Zélande, GRB en Corée du sud…

Fatality !

Au passage, notons qu’il n’existe pas de signalisation équivalent pour les livres, en tout cas en France. Autrement dit, ça ne gêne personne qu’un enfant de 10 ans lise un roman de Stephen King, par contre il ne faut surtout pas qu’il joue à Mass Effect avant ses 18 ans. Dans le même ordre d’idée, on notera que même s’il existe des recommandations d’âge pour les films, elles sont beaucoup moins claires que pour les jeux vidéo. Avez-vous déjà vu un logo « 12+ » sur une affiche de film ou sur la face avant d’une jaquette de DVD ? Bon, fermons cette parenthèse.

Premier point commun entre tous ces dispositifs de classification/signalisation : ils ont tous un nom pourri composé d’initiales. Pas de petite mascotte rigolote, pas de gentil personnage pour indiquer les âges. Uniquement des sigles mystérieux et des gros logos genre « gros coup de tampon dans ta face ».

Deuxième point commun : contrairement aux âges indiqués sur les jeux de société, les âges indiqués sur les jeux vidéo ne sont pas déterminés par la complexité ou le niveau de difficulté du jeu, mais par son taux d’hémoglobine, de coups de pied rotatifs en pleine tête, d’armes à feux, de filles nues, de drogue et de zombies. Autrement dit, on peut très bien avoir un jeu très difficile/complexe mais classé « 3 ans » (exemple : Sim City 2000), et inversement un jeu qu’un enfant de 5 ans pourrait terminer les doigts dans le nez, s’il était capable de faire abstraction des giclées de sang déclenchées à la moindre action du joueur.

Quelques détails sur 4 systèmes : le PEGI européen, l’ESRB américain, le CERO japonais et l’ACB australien (je ne sais pas pourquoi je l’ai choisi).

Etats-Unis : Entertainment Software Rating Board – ESRB

L’ESRB est le système américain. Ces porcs capitalistes l’ont créé en 1994 suite à des plaintes concernant le contenu violent de certains jeux comme Mortal Kombat et Doom. L’ESRB comporte actuellement 6 niveaux : EC (jeunes enfants, en gros c’est pour les jeux éducatifs type Adibou), E (tout public), E10+ (tout public mais bon si vous avez plus de 10 ans c’est quand même mieux), T (adolescents à partir de 13 ans, ceci dit si tu as 9 ans et que tu veux acheter un jeu classé T, y a pas de problème), M (public adulte, beaucoup de magasins s’interdisent de vendre des jeux M à des moins de 18 ans) et AO (adultes uniquement, vente interdite aux moins de 18 ans ; de toute façon Microsoft, Sony et Nintendo n’autorisent pas de jeux AO sur leurs consoles donc la question est assez vite réglée).

Australie : Australian Classification Board – ACB

En Australie il y a donc des kangourous, des boomerangs, et l’ACB. Bref, le désert est finalement pas si vide que ça. L’ACB est utilisé aussi bien pour les films que pour les jeux vidéo, mais le panel de niveaux disponibles n’est pas le même : pour les jeux vidéo, les notes possibles sont G (tout public), PG (contrôle parental recommandé), M (public adulte), R15+ (interdit aux moins de 15 ans non accompagnés par un adulte). Pour les films, il existe un 5ème niveau super balèse, le R18+ (interdit au moins de 18 ans), qui n’est pas (encore) utilisé pour les jeux vidéo, un 5ème niveau bis, le X18+ (un peu comme le R18+ mais pas pour les mêmes raisons). Et un niveau secret, le RC (« classification refusé »), pour les films si extrêmes qu’ils font exploser le système de classification. Respecter les limites R15+, R18+ et X18+ est une obligation légale.

Europe : Pan European Game Information – PEGI

Le système PEGI (la cochonne, lolololol xpldr) est utilisé dans plusieurs pays d’Europe, dont la France, mais pas en Allemagne qui a son propre système, l’Unterhaltungssoftware Selbstkontrolle (aka USK pour les feignants ou ceux qui ont fait Espagnol en LV2), et partiellement au Royaume-Uni où PEGI cohabite avec le système local, le BBFC (qui note aussi les films). Notons au passage que le système allemand ne rigole pas, avec une notation assez sévère et surtout des conséquences très pénalisantes pour les jeux classés 18+ ; du coup les éditeurs modifient parfois leurs jeux pour le marché allemand, comme dans GTA3 où des armes sont absentes et où il est impossible de viser les ennemis à la tête.

PEGI repose sur une double classification : par tranche d’âge (3, 5, 12, 16 et 18 ans) et par type d’éléments vilains pas beaux présents dans le jeu (violence, monstres, gros mots, drogue, nudité, jeux de hasard…). La présence de certains éléments est éliminatoire : par exemple aucun jeu contenant du langage grossier ne peut être classé en dessous de 12 ans, même si tout le reste est mignon tout plein. Faits amusants : pour le label 7+, « des scènes de nudité partielle peuvent être autorisées » (source). Exemple de personne partiellement nue : personne portant un pantalon et un t-shirt mais pas de gants ni ne cagoule. Pour le label 18+, on a droit aux « représentations de violence qui donnent au spectateur un sentiment de dégoût ». Exemple : un combat de catch dans une piscine remplie de vomi.

En France, il est interdit de passer des pubs pour des jeux classés 12+ dans les émissions destinées à la jeunesse et les pubs pour jeux 16+ et 18+ ne sont autorisées qu’en soirée. C’est la raison pour laquelle on ne voit aucune pub pour GTA 4 pendant Motus.

Japon : Computer Entertainment Rating Organization – CERO

Le CERO (特定非営利活動法人コンピュータエンターテインメントレーティング機構 en VO, mais tous ses potes l’appellent CERO) a été créé en 2002, soit 8 ans après le système américain. Pendant ce temps, les petits japonais de 6 ans ont pu jouer peinards à Mortal Kombat et plein d’autres jeux violents. Et maintenant ils ont 16 ans et ils nous latent tous quand on joue en ligne, grâce à l’avance qu’ils ont prise. Il n’y a que 5 classes dans le CERO : A, B, C, D et la 5ème, si extrême qu’il a fallu sauter toutes les lettres de l’alphabet pour aller directement au Z. Fait intéressant : la classe A va de 0 à 11 ans, il n’y a pas la même précision qu’avec le PEGI ou l’ESRB qui fixent 2 ou 3 niveaux avant 10 ans. Donc au Japon, soit un jeu convient à un enfant de 2 ans, soit il faut avoir 12 ans pour pouvoir y jouer. Autre élément amusant : en plus des classes d’âge, il y a comme dans le système PEGI des indicateurs de contenu. On retrouve à peu près les mêmes que dans le PEGI, mais également un indicateur « love » (qui n’est pas le même que « sexual content »). La présence d’amour dans les jeux vidéo est donc potentiellement dangereuse pour les enfants. Il n’y a pas d’indicateur « hate ».

Ecarts entre les pays

Ce qui est assez amusant, c’est de regarder les écarts qui peuvent exister entre les pays, pour un même jeu. NB : j’ai tout converti en âge minimum requis/conseillé.

Kinect Disneyland Adventures

  • Australie : tout public mais contrôle parental
  • Etats-Unis : 10+
  • Europe : 7+

La fenêtre de tir commerciale risque d’être vachement limitée aux Etats-Unis : il faut avoir plus de 10 ans, et en même temps avoir envie de jouer à un jeu dans lequel on fait semblant de serrer Blanche-Neige dans ses bras. D’après ce que j’ai lu, le classement 10+ est justifié par la présence de combats à l’épée et de tirs de canon, dans le niveau basé sur l’attraction Peter Pan. Notons la grande cohérence des dispositifs : le dessin animé Peter Pan, qui contient les mêmes éléments, est classé tout public aux Etats-Unis.

Mass Effect

  • Royaume-Uni : 12+
  • Japon : 18+
  • Etats-Unis : 18+
  • Europe : 18+
  • Allemagne : 16+

Grand écart des deux côtés de la Manche : en Angleterre, le jeu ne pose pas de problème à partir de 12 ans, alors qu’ailleurs en Europe (notamment en France) il est déconseillé aux moins de 18 ans (comme aux Etats-Unis et au Japon d’ailleurs).

Des milliers de petits Américains auraient pu être traumatisés par ces images de Chewbacca démembrant des Stormtroopers. Merci l’ESRB 10+.

Lego Star Wars : The Original Trilogy

  • Etats-Unis : 10+
  • Europe : 3+

Traduction : un enfant européen de 4 ans n’est pas choqué par ce qui choque un enfant américain de 10 ans. On est vraiment des grosses têtes brûlées, nous autres les Européens.

Mortal Kombat

  • Australie : tout public / 15+ (version non censurée)
  • Etats-Unis : 18+
  • Europe : 18+

En Australie, on note l’effet de la censure : en version censuré, le jeu convient aux enfants, en version uncut, il faut avoir au moins 15 ans. Ce qui reste assez laxiste par rapport au 18+ européen et américain.

Duke Nukem, 12+, comme le backgammon.

42 Jeux Indémodables

  • Japon : tout public
  • Etats-Unis : tout public
  • Nouvelle-Zélande : tout public
  • Europe : 12+

Alors que le reste du monde semble complètement inconscient du danger, en Europe le brûlot de la DS « 42 Jeux Indémodables » fait trembler les censeurs. Backgammon, crapette, mah-jong, échecs… Mais que n’inventeraient pas les éditeurs de jeux vidéo pour corrompre nos chères têtes blondes ! Elément de comparaison : 12+, c’est le niveau PEGI de World of Warcraft et de Duke Nukem.

 

 

4 réponses

  1. Kouillo dit :

    Joli article, encore une fois.

    Avec un bordel pareil il faut pas s’étonner que peu de parents connaissent/lisent/respectent les PEGI…

    Ce que je pense qui ferait avancer les choses :
    – la même base et la même représentation du classement pour les films, les jeux videos et autre…
    – des logos plus expressifs au niveau des limites d’ages PEGI (les icônes sont pas mal mais les couleurs chatoyantes des limites d’ages font plus penser au niveau de difficulté d’un puzzle qu’à la prévention d’une orgie de violence…)

    PS : J’aime bien l’allusion a Chewbacca dans LSW, mon coloc était choqué par le démembrement des stormtroopers dans un jeu 3+

  2. Francis LETOCART dit :

    jamais compris le 12+ de 42 jeux indémodable
    superbe article

Répondre à Francis LETOCARTAnnuler la réponse.

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