Tomorrowland : des jeux vidéo pour aider la science ?

Tomorrowland, la série qui explore ce qui pourrait être le quotidien technologique de nos enfants. Nous on a les brosses à dents électriques et les téléphones permettant de jouer à Angry Birds. Dans 20 ans, ce sera quoi, la technologie banale ? Voir ici les autres articles de la série !

Exploiter l’intelligence non artificielle du gamer

Un joueur qui joue à un jeu vidéo, c’est du temps de cerveau utilisé pour réduire l’entropie d’un système : ranger des briques dans Tetris, viser des ennemis dans un FPS, aménager un terrain vierge dans un city-builder…

Il y a quelques années, SETI@Home tournait sur mon ordinateur quand il était en veille. Le temps de calcul disponible de mon PC, et de centaines de milliers d’autres, était utilisé pour décoder des bouts de signaux captés dans l’espace, afin d’y trouver du bruit en provenance d’une vie extra-terreste.

Je me suis longtemps demandé si, derrière la surcouche du jeu vidéo, il ne serait pas possible d’utiliser cette même idée, en faisant en sorte que les efforts intellectuels, la dextérité, la capacité à créer de l’ordre mobilisés, bref tout ce qui nous différencie d’une intelligence artificielle dans le jeu vidéo, ne pourraient pas servir à réduire le désordre dans des données, de façon utile. Une sorte de croisement entre la gamification et le crowdsourcing.

EyeWire

Cette idée est en fait mise en oeuvre par le MIT, à travers le jeu vidéo Eyewire. Dans Eyewire, le joueur doit naviguer sur le chemin d’un nerf. Les résultats de sa navigation, et de celle de tous les autres joueurs, sont rassemblés et traités. Objectif : cartographier le réseau de nerfs de la rétine, un défi devant lequel butent les neuroscientifiques depuis 50 ans. Ce travail est en effet irréalisable par des programmes informatiques avec les technologies actuelles (enfin si, mais il faudrait 500000 ans de calculs).

Après un an et demi de jeu et 135000 joueurs mobilisés, le réseau d’une rétine de souris a pu être reconstruit en 3D, afin de mieux comprendre comment l’oeil est capable de suivre des objets en mouvements.

Prochain projet de l’équipe du MIT : un jeu qui permettra de modéliser les nerfs du bulbe olfactif, pour comprendre comment le cerveau associe les odeurs et les émotions.

Et demain ?

Je n’ai pas testé Eyewire, mais j’imagine que le jeu n’est pas forcément des plus amusants, et qu’il était testé par jeuxvideo.com sur ses qualités purement vidéoludiques, sa note n’aurait pas grand chose à envier au 2/20 de Battle Los Angeles.

Mais on peut imaginer que dans quelques années, quand nous ou nos enfants trouverons un passage secret dans un tuyau dans New New New Super Mario Bros, ou guideront un éclaireur dans une forêt immense pour trouver un gisement d’or dans Age of Empires 12, ou alignerons des bonbons dans Candy Crush Saga IV – Ultimate Revenge of the Lollipops, la petite quantité d’intelligence humaine injectée dans le jeu pourrait être captée et exploitée pour, en arrière-plan et de façon totalement transparente, contribuer à réduire l’entropie des données brutes de tel ou telle recherche scientifique.

Dota 2 : 41000 ans de temps de jeu cumulé par les joueurs sur les 30 derniers jours…

D’après Steamcharts, sur les 30 derniers jours (au moment où j’écris cet article), 359241051 heures ont été passées sur Dota 2, par 828415 joueurs. 359241051 heures, ça fait 41000 ans. Et ce n’est que sur un seul jeu (certes le plus joué sur Steam en ce moment). Imaginons que ne serait-ce qu’un petit pourcentage de l’intelligence injectée par les joueurs dans les jeux puisse être captée par un processus de traitement de données. Ce serait autant de temps économisé par les chercheurs pour se concentrer sur les tâches à valeur ajouté (comme aller se chercher des cafés et des Snickers à la machine de la salle de pause).

J’imagine qu’avec les jeux vidéos connectés à internet en permanence + l’augmentation du nombre de joueurs, de terminaux (consoles, ordinateurs, smartphones, tablettes…), d’heures de jeux + une volonté des éditeurs de jeux vidéo et de la communauté scientifique de développer des jeux à la fois bons sur le plan purement ludique, et aptes à produire de la captation d’intelligence, tout ceci est du domaine du possible.

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